L'accord des mouvements, partis et syndicats pressentis pour le constituer ayant été obtenu début mai 1943, ainsi que l'écrit le 7 mai Jean Moulin dans un message à Londres, la première réunion du Conseil National de la Résistance (CNR) va se tenir le 27 mai suivant 48, rue du Four à Paris (6ème), dans l'appartement de René Corbin, trésorier-payeur du Loiret et ancien du cabinet de Pierre Cot d'avant-guerre.
Y participent, sous la présidence de Jean Moulin, les représentants de cinq mouvements de Zone nord : Ceux de la Libération (Coquoin), Front National (Pierre Villon), Libération-Nord (Charles Laurent), Ceux de la Résistance (Lecompte-Boinet), Organisation Civile et Militaire (Jacques-Henri Simon), de trois mouvements de Zone sud : Libération-Sud (Pascal Copeau), Franc-Tireur (Claudius-Petit), et Combat (Claude Bourdet), de six partis politiques : Parti Radical (Marc Rucart), Fédération républicaine (Jacques Debu-Bridel), Parti Communiste (André Mercier), Parti Socialiste (André Le Troquer), Alliance Démocratique (Joseph Laniel), et Démocrates Populaires (Georges Bidault), et de deux syndicats : CGT (Louis Saillant) et CFTC (Gaston Tessier).
La réunion, commença vers 15 heures par la lecture par Jean Moulin d'un message du général de Gaulle : "Dans cette guerre où la patrie joue son destin, la formation du Conseil de la Résistance, organe essentiel de la France qui combat, est un événement capital.
"L'unité des buts et des sentiments établie depuis longtemps entre la masse de la nation qui lutte sur son territoire et ceux de ses fils qui combattent au dehors se traduit désormais par l'unité dans l'action (…). Il est essentiel que la Résistance sur le territoire national forme un tout cohérent, organisé, concentré. C'est fait, grâce à la création du Conseil de la Résistance qui fait partir intégrante de la France combattante et qui, par là-même, incarne la totalité des forces de toute nature engagées à l'intérieur contre l'ennemi et ses collaborateurs (…). "Au moment de la libération elle-même, le Conseil doit apparaître comme une sorte de première représentation des désirs et des sentiments de tous ceux qui, à l'intérieur, auront participé à la lutte. Ainsi pourra-t-il fournir au Comité national lui-même l'appui, le concours et, dans une large mesure, l'instrument indispensables pour exercer ses devoirs à l'intérieur et l'aider à faire valoirsans délai vis-à-vis des puissances étrangères les droits et les intérêts de la France (…).".
Puis "une brève passe d'armes - rapporte Pierre Meunier 5 - intervint en ce qui concerne la tactique de l'action immédiate préconisée depuis longtemps par les communistes et mise en œuvre par les FTP du Front national et que certains se refusaient à envisager. Les communistes préconisaient aussi, parmi les moyens de lutte contre l'ennemi, l'usage de la grève que d'autres réprouvaient, pensant que cela évoquait trop les luttes sociales…". "Nous estimions - dira Pierre Villon 6 - [que] le Conseil National de la Résistance devait, par un appel au pays, manifester cette union réalisée (…). Mais à ce moment-là, Jean Moulin estimait que nous étions trop nombreux et depuis trop longtemps réunis. Nous étions dix-sept 7 dans cette petite salle à manger de la rue du Four. Nous lui avions remis ce projet de texte d'appel (…). Le texte fut publié, mais on avait barré parmi les moyens d'action énumérés : les grèves…".
Une motion, préparée par Georges Bidault avec l'aval de Jean Moulin - et votée à l'unanimité - mit fin aux débats : "Le Conseil de la Résistance… constate avec joie immense la libération totale de l'Afrique du Nord par la victoire des armées Alliées Anglaises, Américaines et Françaises…
"Le Conseil salue avec une vive satisfaction la décision prise au lendemain de cette victoire, par le général de Gaulle et le général Giraud, de se rencontrer très prochainement à Alger pour réaliser l'unité de toutes les forces françaises dressées contre l'ennemi de la Patrie et ses complices du dedans…
"La France ne peut concevoir que la création d'un véritable gouvernement, provisoire certes, mais ayant toutes les formes et toute l'autorité, répudiant une fois pour toutes, officiellement et dans les faits, la dictature de Vichy, ses hommes, ses symboles, ses prolongements.
"Elle entend que ce gouvernement - c'est le devoir du Conseil de l'affirmer avec netteté - soit confié au général de Gaulle qui fut l'âme de la résistance aux jours les plus sombres et qui n'a cessé depuis le 18 juin 1940 de préparer en pleine lucidité et en pleine indépendance la Renaissance de la Patrie détruite comme les libertés républicaines déchirées…"
"J'en fus à l'instant plus fort", écrira plus tard le général de Gaulle dans ses Mémoires, en évoquant cette motion.